vendredi 13 décembre 2019

MOSFETs : utilisations inhabituelles



MOSFETs : utilisations inhabituelles


Dans cet article nous allons parler de cas d'utilisation peu habituels de transistors MOSFETs.

Le but n'est pas de refaire un Nième tutoriel sur les MOSFETs utilisés en commutation avec des exemples simplistes, utilisant le plus souvent un MOSFET canal N :
Commande d'un relais 5V
Commande d'un ruban de LEDs

Les tutoriels basiques sur les MOSFETs se trouvent à la pelle.

S'il s'agit d'activer un relais ou un moteur, ce sujet a déjà été discuté ici :
https://riton-duino.blogspot.com/2018/08/alimenter-un-relais-transistor.html

Le but de cet article est plutôt d'explorer quelques situations moins courantes, en particulier l'utilisation de MOSFETs canal P en commutation d'alimentation ou en tant que diode idéale.

1. Recommandation

Lorsque l'on dessine des schémas comportant des MOSFETs il est important de choisir des symboles schématiques adaptés, incluant la diode inverse du composant.
Cela permet de mieux visualiser les chemins de passage possibles pour le courant, en fonction des tensions présentes.

2. Le MOSFET en commutation d'alimentation

Commençons par la plus simple des utilisations, et la plus habituelle.

Lorsque l'on veut commuter une alimentation on utilise un MOSFET canal P comme ceci :

2.1. Fonctionnement

Un MOSFET canal P entre en état de conduction si l'on applique une tension négative suffisante entre grille et source.
Négative ne veut pas dire négative par rapport au 0V, mais négative par rapport à la tension sur la source. Donc un ZÉRO volts est considéré comme négatif si l'on prend comme référence la tension sur la source.

Il suffit donc d'appliquer un ZÉRO volts sur l'entrée de commande P1 pour que le transistor Q1 conduise, et une tension de 5V sera présente sur la sortie.

La tension de sortie sera égale à la tension d'entrée, légèrement inférieure en fait, en fonction de la résistance RDSon du MOSFET et du courant.

Afin de pouvoir être commandé par une tension inférieure à 5V, le MOSFET sera du type logic-level. Sa tension de grille VGSth doit être de préférence inférieure à 3V.

Ici le transistor AOI403 a une résistance RDSon de 12mΩ pour une tension VGS de 5V et un courant de 20A.

Voir ici : https://riton-duino.blogspot.com/2019/01/mosfets-de-puissance.html

2.2. Explications

Le transistor est piloté par une sortie du microcontrôleur à travers une résistance de 220Ω dont le but est de limiter le courant d'appel lors de la montée du signal sur la grille (la grille se comporte comme un condensateur). Une résistance de pull-down de 100KΩ est câblée entre grille et source afin de ne pas laisser la grille en l'air dans le cas où la sortie du microcontrôleur est en haute impédance, au démarrage par exemple.

Pourquoi ne pas utiliser un transistor PNP ?
Parce qu'un transistor PNP entraînerait une chute de tension plus importante qu'un MOSFET.

Pourquoi ne pas utiliser un MOSFET canal N ?
Parce qu'un MOSFET canal N réclamerait une tension VGS positive pour entrer en état de conduction, 9V par exemple.

2.3. Limitations

Ce montage comporte un inconvénient. Si l'on applique une tension de 5V sur la sortie, même si le MOSFET est coupé, la diode interne laissera passer le courant vers l'entrée.
Cela peut être gênant par exemple si la tension d'entrée est une batterie ou un panneau solaire, et que la tension de sortie est fournie par défaut par un bloc secteur :

Dans cet exemple si la tension de 5V est présente, même si le MOSFET est coupé, la batterie recevra un courant provenant du 5V, à travers la diode interne. Ce courant n'étant pas maîtrisé, cela peut être dangereux pour la batterie.

3. Le MOSFET en montage inversé

3.1. Fonctionnement

La diode interne du MOSFET laisse passer le courant de l'entrée vers la sortie, mais elle a une tension de chute directe importante.
Appliquer un ZÉRO volts sur l'entrée de commande P1 fait entrer le transistor Q1 en état de conduction et comme il a une résistance RDSon faible, permet de réduire la chute de tension due à la diode.

3.2. Explications

Un MOSFET est bidirectionnel. Le courant passe aussi bien de la source vers le drain que dans le sens inverse.
Au départ la tension sur la source est égale à la tension de drain, moins quelques centaines de millivolts (chute de tension de la diode). La source est donc à un potentiel permettant d'obtenir une tension VGS importante si la grille est commandée par un niveau bas.

3.3. Avantages

Une diode Schottky SR540 5A par exemple provoquerait une chute de tension importante :
Pour 0.5A
Vf = 220mV
Pour 2A :
Vf = 300mV

Un MOSFET du type AOI403, avec ses 12mΩ de résistance provoquera une chute plus faible :

Pour 0.5A
Vf = 12mΩ x 0.5A = 6mV
Pour 2A :
Vf = 12mΩ x 2A = 24mV

Lorsque l'on a affaire à des tensions d'alimentation faibles (3.3V, 3.7V, 5V), c'est loin d'être négligeable.

Outre le fait que ce montage permette de gagner quelques centaines de millivolts en sortie, il permet également de dissiper beaucoup moins de calories qu'une simple diode.

Lorsque l'on a affaire à un courant de 1A, 0.25V de chute de tension dans une diode entraîne une puissance de 0.25W à dissiper.
Avec 10A, la chute de tension sera de 0.6V, la puissance sera de 6W, ce qui nécessite un dissipateur assez conséquent, et l'utilisation d'une diode en boîtier TO220 :


Le MOSFET n'aura qu'une puissance faible à dissiper :

P = R x I² = 12mΩ x 10² = 1.2W

Le dissipateur sera beaucoup plus petit et il est fort probable que souder le drain sur un plan de cuivre de quelques cm² suffise.

3.4. Limitations

Ce montage ne se comporte pas comme un interrupteur, puisque lorsque le MOSFET est coupé, le courant passe par la diode.
De plus, comme le transistor est conducteur dans les deux sens, si le MOSFET est en état de conduction et que l'on applique une tension sur la sortie et que cette tension est supérieure à celle de l'entrée, le courant passera en direction de l'entrée.

Cette technique est cependant utilisée comme semi diode commandée à faible chute de tension dans certains montages, mais le circuit se comporte comme une vraie diode seulement dans le cas où le MOSFET est coupé :

Le circuit ci-dessus remplace celui-ci :

4. Le MOSFET en montage dos à dos (back to back)

4.1. Fonctionnement

Les diodes internes des MOSFETs ne laissent pas passer le courant de l'entrée vers la sortie, ni dans le sens inverse, car elles sont montées tête-bêche.
Appliquer un ZÉRO volts sur l'entrée de commande P1 permet de rendre les transistors Q1 et Q2 passants.

4.2. Explications

Au départ la tension sur la source de Q1 est égale à la tension de drain, moins quelques centaines de millivolts (chute de tension de la diode). La source est donc à un potentiel permettant d'obtenir une tension VGS importante si la grille est commandée par un niveau bas.
A partir du moment ou Q1 est en état de conduction, la tension sur la source de Q2 est également à un potentiel permettant d'obtenir une tension VGS importante si sa grille est commandée par un niveau bas.

La résistance RDSon du transistor est doublée bien entendu.

Contrairement au montage précédent Ce montage se comporte comme un interrupteur, puisque lorsque le MOSFET est coupé, le courant ne passe pas par les diodes.

4.3. Limitations

Comme dans le montage précédent, si les MOSFET sont en état de conduction et que l'on applique une tension sur la sortie et que cette tension est supérieure à celle de l'entrée, le courant passera en direction de l'entrée.

5. Le MOSFET en diode parfaite

5.1. Driver à pompe de charge

Ici un MOSFET canal N est utilisé, commandé par un LTC4357, qui permet de fournir à la grille du MOSFET une tension supérieure à sa tension de source grâce à une pompe de charge (élévateur de tension).
Lorsque la tension de drain est supérieure à la tension de source, le LTC4357 coupe le MOSFET.

On obtient donc un circuit équivalent à une diode idéale, dont la chute de tension dépend uniquement de la résistance RDSon du MOSFET.

Certains circuits permettent d'utiliser des MOSFETs canal N en high-side, ce qui offre un choix beaucoup plus large. D'autres permettent de piloter des MOSFETs canal P.
Un bon nombre de ces composants intègrent le MOSFET.

Attention à la tension d'alimentation.
Un LTC4357 devra être alimenté entre 9V et 80V, un LTC4353 se contentera de 2.9V à 18V.

Analog Devices propose un choix de drivers de MOSFETs assez large, Texas Instruments également.
Ces circuits sont relativement chers et existent seulement en CMS.

Cela va du simple driver de diode idéale à des petits monstres fort sympathiques comme le LTC3118 :  sélection automatique de deux sources de puissance, avec convertisseur DC/DC BUCK BOOST intégré (sortie=2A) :

https://www.analog.com/cn/technical-articles/18v-buck-boost-converter-with-intelligent-power-path-control.html

5.2. Diode idéale maison

Cette solution provient de cette page :
https://www.electro-tech-online.com/articles/simple-inexpensive-ideal-diode-mosfet-circuits.817/

Sur ce schéma un MOSFET canal P est utilisé, ainsi qu'un miroir de courant.
Si VIN est supérieure à VOUT, cela déséquilibre le miroir et grâce à la différence entre les tensions d'émetteur Q3 est bloqué. La grille du MOSFET se retrouve à un potentiel proche de 0V à travers la résistance R2, et celui-ci entre en conduction.

Si VOUT est supérieure à VIN, Q3 devient passant et la grille du MOSFET se retrouve à un potentiel proche de VOUT, et se trouve donc bloqué.

Ce circuit marche parfaitement pour une tension VIN de 3.3V. Par contre VOUT ne devra pas dépasser 3.3 + 5V, 5V étant la tension VBE inverse du 2N3906.

Je l'ai essayé. Il provoque une chûte de tension de 40mV pour un courant de 500mA. Dans les mêmes condition une très bonne diode Schottky du type SR540 (5A) provoquerait une chûte de 320mV, donc 8 fois plus importante.

ATTENTION : les deux transistors doivent être appairés pour que le circuit fonctionne correctement. Leur tension VBE doit être identique à quelques millivolts près.
Il est facile de trouver dans le même lot de transistors deux exemplaires qui conviennent. Les deux premiers que j'ai choisi dans le tiroir satisfaisaient ce critère (2mV de différence).
Voici un petit outil bon marché et très précis, bien utile pour tester :

https://riton-duino.blogspot.com/2019/12/testeur-de-composants-le-gm328.html

Sinon on peut acheter des DMMT3906W, doubles 2N3906 appairés (CMS), à un prix très abordable.

Pour tester le circuit une tension de 3.3V est appliquée sur VIN et une tension de 5V est appliquée sur VOUT toutes les secondes, pendant 500ms. Une charge de 10Ω est branchée sur VOUT :


En jaune : On voit bien que VOUT varie entre 3V et 5V.
En bleu : VIN varie entre 3.3V et 3V.

La chute de tension (3V au lieu de 3.3V) n'est pas due à un défaut du circuit, mais au fait que lorsque l'alimentation branchée sur VOUT est actionnée elle fournit tout le courant à la charge, et l'alimentation branchée sur VIN ne débite rien.
Quand l'alimentation branchée sur VOUT est coupée, l'alimentation branchée sur VIN débite 300mA dans la charge, ce qui fait chuter la tension, à cause des fils de section 0.5mm2 et 50cm de long que j'ai utilisé.

La conception de ce genre de circuit implique de dimensionner correctement les pistes de circuit imprimé et le câblage, sinon les pertes seront importantes.

5. Conclusion

J'espère que ce petit article aura fait germer quelques idées et pourra vous éviter certaines erreurs.


Cordialement
Henri

6. Mises à jour

12/03/2020 : correction schéma diode idéale

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire